Escapades sur le toit du monde

C’est au moment de l’atterrissage que nous regrettons d’avoir pris l’avion pour gravir les cols himalayens à 5000m d’altitude menant à Leh, la principale ville du Ladakh, évitant ainsi 3 jours de routes en lacets…. Bien pratique, sauf qu’au moment d’atterrir, le pilote doit slalomer entre les sommets des montagnes, ses ailes frôlant leurs parois à quelques dizaines de mètres (qui bien sûr nous paraissent être bien moins que ca, dans l’angoisse du moment ;-). Ouf, c’est sains et saufs que nous posons le pied sur à Leh, située à 3500 mètres d’altitude. Pas si haut que ca, et pourtant, nous ressentons tous les deux les effets de l’altitude pendant les premiers jours. Le Ladakh est une région grandiose, faite des plus hauts sommets et des vallées les plus sèches du monde, et de vertes vallées concentrées autour des rivières. En cette période où les moussons arrosent le reste de l’Inde, les nuages sont arrêtés par les premières montagnes de l’Himalaya et le soleil brille sur le haut plateau himalayen.

La culture ici est principalement tibétaine, même si on y retrouve aussi certaines influences de l’islam qui montent depuis le Cachemire voisin. C’est la saison idéale pour venir découvrir ce pays, complètement isolé pendant les 8 mois d’hiver où la température descend en dessous de -40°C et où les routes sont coupées, l’isolant du reste du monde et ralentissant son activité au strict minimum.

Une douce ambiance bouddhiste plane sur la région, avec des chortens (des sortes de stupas) perdus au milieu des déserts minéraux, des rouleaux de prières disséminés le long des routes. Durant notre séjour, nous avons la chance d’assister à plusieurs festivals bouddhistes dans des monastères perchés sur les flancs des montagnes. Les moines en robe rouge, coiffés d’une espèce de mitre rouge soufflent dans de longues trompettes de cuivre, ou jouent des cymbales. Certains sont parés de masques de faces d’animaux et portent les costumes de fêtes colorés. Ils dansent sur la piste centrale dans des chorégraphies pas toujours synchros, admiré par une foule de locaux tout aussi belle à regarder que le spectacle, si pas plus. Les petites vieilles portent les robes traditionnelles tibétaines et sont coiffées de deux tresses reliées à leur extrémité. Leurs sourires édentés et ridés me font complètement fondre.

Pour visiter les vallées désertiques et immenses du Ladakh, nous avons choisi la moto… et c’est sur notre terrible engin que nous escaladons les routes les plus hautes du monde pour découvrir des paysages à couper le souffle, les plus beaux de tout notre périple. Les routes sont bordées de dénivelés abyssaux, et au détour de chaque tournant, nous découvrons de nouveaux paysages spectaculaires, faits de roches multicolores, de lacs éblouissants, ou de sommets sidéraux. Par moments, on se croirait vraiment sur la lune tellement c’est impressionnant. Toujours avec la petite note humoristique sur les panneaux des services de sécurité routière. Sur notre deux-roues, nous escaladons des routes en lacet interminables, frigorifiantes mais magnifiques. J’essaie d’oublier mes fesses en compote en dégustant une assiette de momos ou une tasse de thé au lait et au massala une fois arrivée au sommet, lors d’une petite pause dans l’une des nombreuses tentes se ventant d’être LA « plus haute cafétéria du monde » (sauf qu’il y en a plusieurs, ce qui risque de poser un problème pour leur reconnaissance par le Guiness Book des Records !).

Seul petit raté, c’est que quand on nous annonce que non, il n’est pas nécessaire de prendre un bidon d’essence jusqu’à notre destination car on pourra y trouver une pompe à essence, on ne se doutait pas qu’elle serait vide, et ce pour les quinze jours à venir avant la prochaine livraison d’essence… Zut ! C’est donc à l’arrière d’un camion que la moto (et Phil) feront le trajet de retour (moi je reste bien au chaud à coté du chauffeur et de la nonette en robe rouge qu’il ramène à la capitale ;-).

Il manquait un brin de spiritualité à notre voyage. Tous deux, nous étions depuis longtemps intéressés par le bouddhisme et intrigués par la méditation. Est-il vraiment possible de se vider totalement l’esprit et de ne penser à rien ? Sur notre route, nous avions rencontré plusieurs voyageurs qui avaient fait l’expérience d’une retraite en silence dans des centres de méditation. Sur leurs conseils, nous nous rendons à Dharamsala, une ville du nord de l’Inde à population fortement tibétaine. C’est la ville où est réfugié le Dallai Lama depuis sa fuite forcée du Tibet occupé, ainsi que de nombreux tibétains qui l’ont suivi après un rude périple de plus de 2 ans dans les montagnes de l’Himalaya. Nous avons entendu parler de Tushita, un centre de méditation situé dans les montagnes en amont de Dharamsala. Nous nous inscrivons donc pour cette expérience spirituelle de 10 jours, dans une propriété située dans un parc peuplé de singes, et, en cette saison, en permanence perdu dans les nuages et arrosé chaque jour par les pluies diluviennes de la mousson.

Lors de cette retraite, nous avions chaque jour environs 4 heures de cours sur le bouddhisme et 4 heures de méditation, dont certaines se faisaient simplement en silence, tandis que les autres étaient guidées par un moine, sur un sujet bien particulier et nous faisaient nous remémorer certaines expériences de vie difficiles, ou regrettables, ou des moments de bonheur. Le tout se faisant dans des horaires monastiques bien définis, ce qui aide à la concentration, et en silence (théoriquement tout du moins ;-), de manière à permettre à chacun de pouvoir se retrouver seul avec soi-même et avec ses pensées.

Nous étions un groupe de 80 personnes, et le mot d’ordre de maintenir le silence pendant 10 jours étais plus ou moins suivi. Le silence pendant 10 jours, au final, c'était vraiment chouette (en tous cas c'est mon avis). Etre seul avec soi-même à méditer sur les concepts enseignés ce jour-là et sur ses propres expériences de vie en relation avec ca, sans se perdre en discussions "sociales" avec les 80 autres participants, ca permettait de réaliser une véritable introspection.

Au sortir de ces 10 jours, je me remercie d’avoir pris ce temps pour moi-même, et de m’être accordée cette expérience spirituelle enrichissante et relaxante, ouvrant d’intéressantes pistes à suivre pour notre vie qui se promet d’être, comme d’habitude, plus que bien remplie à notre retour en Europe (je confirme au moment d’écrire ce post, depuis l’Europe et un mois plus tard ;-). Que du positif donc.

Après cette retraite, nous nous envolons vers les plages de Goa pour notre dernière semaine de voyage, dans un pari risqué contre la mousson. Pari perdu, il pleut à longueur de journée et nous ne pourrons aucunement profiter des bains de soleil escomptés… C’est donc en regardant la pluie tomber que nous décomptons les jours avant de vous retrouver tous chers amis et , nous réacclimatant déjà au climat de notre bonne vieille Belgique :-)

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Petit détour dans l'Inde du plancher des vaches

Nos visas indiens en poche, nous entrons en Inde avec un petit jour de retard par rapport à la date d’expiration de nos visas népalais… jour de retard qui passera inaperçu aux yeux des douaniers (héhé, chacun son tour d’arnaquer l’autre ;-)). Et là, une fois de plus, nous changeons de monde : on entre dans un dépotoir bondé : les rues sont sales, puantes et pleines de monde… une foule beaucoup plus masculine qu’au Népal… mais où sont passés tous les beaux saris colorés ? L Une foule plus bovine aussi, avec des vaches sacrées se faisant un malin plaisir de jouir de leur rang et de traîner au milieu des avenues, toisant dédaigneusement la masse klaxonnante bloquée en face d’elles.



A notre arrivée à la gare routière frontalière, notre bus public à direction de Vârânasî roule déjà, portières ouvertes. Nous avons à peine le temps d’y balancer nos sacs à dos et de sauter en marche. C’est quoi cette manie de partir en avance ? Nous découvrirons plus tard que c’est une habitude des chauffeurs de bus, qui leur sert de prétexte pour foncer comme des dératés pendant tout le reste du trajet ! Comme si quelqu’un espérait que le bus arrive à l’heure ?!? Et nous voilà partis pour un concert ininterrompu de 14 heures de klaxon en direction d’une des villes les plus saintes d’Inde. Quelques pauses dans des gares puantes, sans toilettes svp, mais avec une odeur d’urine dépassant celles cumulées de l’ensemble des toilettes publiques belges, non, européennes. OK, la gare est un urinoir en elle-même, mais un urinoir bondé, les passagères s’abstiendront, je m’y fais, et je me rabats sur la faim qui ronge mon estomac et dégotte de délicieux samossas à la pomme de terre et aux épices. Mmmmh un délice épicé qui m’enflamme la bouche et me donne soif. Zut, m’hydrater, est-ce vraiment une bonne idée avec les 8 heures de trajet qui nous restent sans espoir d’arrêt pipi? Une fois arrivés à Vârânasî, les rickshaws nous demandent plus de 10 fois le prix d’une course et ne négocient pas facilement… OK, on n’est pas arrivés ! Surtout qu’après un slalom intense dans un trafic incroyable, croisant des magasins de saris plus colorés les uns que les autres, il nous dépose à l’entrée de la vieille ville, un labyrinthe piétonnier de ruelles étroites dans lequel nous nous perdons pour enfin atteindre notre guesthouse, dont le slogan affiché sur la façade est « Yes, we are less dirty ». Que du bonheur !



Vârânasî est une ville sainte traversée par le Gange. C’est un lieu de pèlerinage pour de nombreux hindouistes qui viennent se purifier dans l’eau sacrée, s’y baignant, la buvant, ou y inhumant leurs morts qui sont ensuite incinérés sur ses berges. De nombreux fidèles, sentant approcher les derniers jours de leur vie présente, se rendent ici avec leur famille et venant y attendre leur dernier souffle, priant pour sortir du cycle perpétuel de réincarnations. La ville est aussi peuplée de sâdhus, ces hommes saints et colorés en quête spirituelle, ayant renoncé à la société, ne possédant rien et se nourrissant uniquement de dons.



Tout cela autour de l’eau sacrée du Gange, une eau dont la concentration en Escherichia Coli, la bactérie fécale qui a tellement fait parler d’elle ces derniers temps en Europe, est plus de 3 fois supérieure à celle de la limite acceptable pour une eau de baignade selon les normes occidentales. Une eau qui, à chaque pluie de la période des moussons (dans laquelle nous entrons actuellement) récolte tous les détritus, l’urine, les bouses de vaches et autres excréments qui jonchent les ruelles crasseuses de la vieille ville qui surplombe le fleuve. Santé ! :-)



Vous le comprenez donc : oui, je trouve l’Inde sale, profondément sale, bien plus sale que tout ce que nous avons pu rencontrer jusqu’ici dans notre voyage. D’ailleurs, elle aura raison des 10 mois et demi d’entrainement intensif que mes intestins viennent de subir pendant notre trip… je tombe malade, mais dans un timing relativement bien calculé vu que je me retrouve bloquée au lit justement un jour de mousson intense et non interrompue, une journée où sortir rimait avec patauger en tongs dans l’eau des égouts (ou semblants d’égouts) qui avaient débordé. Bon calcul donc, ;-). Tu m’étonnes que je sois tombée malade : au petit déjeuner, Phil trouve des fourmis dans son thé et des crottes de souris dans ses crêpes. Si ce n’est ce jour-là, nous arpentons les rues de la vieille ville, ses bazars semblables à des décors de films, et longeons le fleuve bordé d’escaliers où dorment des sâdhus colorés ou nous laissons transporter par la spiritualité dégagée par la ville au lever du soleil depuis un petit bateau. Nous observons, assis sur ces escaliers, la vie locale, les familles venant se purifier et se baigner, les gosses jouant au criquet, véritable sport national ici suscitant les passions, et nous faisant sans cesse aborder par les rabatteurs, guides, masseurs,…



Après ce bain de spiritualité hindouiste, nous reprenons nos sacs en direction d’Agra, la ville où est situé le Taj Mahal. Pour nous y rendre nous prenons le train de nuit, franchement confortable et propre (malheureusement pas silencieux, mais bon, on ne peut pas tout avoir hein… et qui aurait l’idée de demander à des indiens de faire le minimum de bruit possible quand ils montent dans un train à 3h du matin ???). Une fois le soleil levé, les paysages défilent, nous laissant apercevoir des campagnes inondées et des villages franchement pauvres. En cette heure matinale, nous ne comptons plus les villageois accroupis, pantalon baissé, faisant leurs besoins aux bords des voies sans accorder la moindre attention au train qui passe.


De même quand noud reprendrons le train de Agra vers Delhi quelques jours plus tard, nous traversons dans la périphérie de Delhi les bidons-villes de loin les plus pauvres que nous aurons vus au cours de notre voyage, avec des gens dormant à même le sol ou squattant des chantiers, ou se réunissant autour d’un feu. Rude la pauvreté de l’Inde. L



Une fois arrivés à Agra, nous nous rendons dans un parc situé à l’arrière du Taj, exactement dans son alignement, de l’autre côté de la rivière Yamuna (la visite attendra le lendemain à l’aube pour éviter le flot de groupes touristiques et l’avoir pour presque nous seuls). C’est le souffle coupé que je contemple ce joyau architectural splendide aux murs de marbre blanc incrusté de pierres précieuses, à la symétrie parfaite et aux courbes harmonieuses. Un bijou qu’un empereur éperdu d’amour fit construire comme mausolée à sa femme décédée lors de son quatorzième accouchement (on ne va pas dire qu’ils ne l’ont pas cherché non plus hein !)… et qu’il regarda depuis la fenêtre de la cellule du fort d’Agra où son fils l’enferma après l’avoir destitué.


Hormis le Taj, nous errons dans les ruelles moins touristiques de l’arrière d’Agra, et profitons des bazars où se succèdent les scènes de vie, admirant les saris colorés et les montagnes d’épices, les étales de fruits, les oreilles des femmes parées de multiples boucles dorées,… Avec un thermomètre dépassant largement les 40°C, nous cherchons un peu de fraicheur dans les parcs où viennent se délasser les familles de touristes indiens après avoir visité leur fierté nationale.



C’est à nouveau en train que nous rejoignons Delhi pour regagner le Ladhak, où nous avons prévu de poursuivre notre voyage.



Retrouvez notre sélection de photos sur http://www.facebook.com/media/set/?set=a.10150230451187224.302903.591557223&l=8a446bd323&type=1


La suite de nos vagabondages népalais...

Retour sur Katmandu pour l’arrivée d’Alex avec laquelle l’aventure continue pour une bonne dizaine de jours. A notre grand ravissement, elle arrive le sac à dos rempli de merveilles : chocolat Côte d’Or, bières belges, une bouteille de vin rouge divin !!! Nous dégustons tout cela avec extase dans les jours suivants (encore merci Alex !). Nous nous arrangeons avec notre guesthouse pour prendre un bus vers Pokhara le lendemain et réservons un taxi pour nous amener au bus… persuadés que tout est bien clair, le lendemain à l’aube, tous les 3 encore un peu endormis, nous montons dans le taxi pour nous faire conduire, non pas à la station de bus mais… à l’aéroport ! Zut, on s’est fait avoir comme des bleus !!! Course endiablée jusqu’à la station de bus où pas de problèmes, notre bus est déjà parti (bien à l’heure, pour une fois) mais où nous pouvons prendre le suivant qui part immédiatement.



La route menant à Pokhara nous donne un échantillon de la beauté naturelle du Népal, loin de la pollution de Katmandou : elle serpente dans de magnifiques vallées, longe de nombreuses rivières aux remous surmontés de ponts suspendus ou de nacelles. Dans un concert de klaxons et de nuages de poussière, des camions multicolores s’alternent pour passer sur les innombrables ponts trop étroits pour permettre une circulation dans les 2 sens. Les paysages défilent, très verts, avec de belles cultures en terrasses sur les flancs escarpés des collines. Pokhara est une grande ville calme, entourée par les sommets enneigés des Annapurna culminants à plus de 6000 mètres. Nous sommes actuellement en saison de début de moussons, durant laquelle la visibilité est fortement réduite par la brume, ce qui ne nous permet d’apercevoir leurs petites têtes timides que tôt le matin (ce qui peut aussi vouloir dire pas souvent ;-). Quelques affaires dans le sac, une carte de la région à la main et nous partons pour un petit trek de 2 jours au travers des campagnes, à la rencontre des villages environnants et de leur simplicité. Nous passerons la nuit chez une gentille famille (les locaux semblent avoir l’habitude et nous le proposent spontanément à notre passage). Devant un bon Dal Bhat, nos hôtes nous expliquent fièrement qu’un de leurs fils est parti faire un doctorat au Japon, et qu’ils ont été lui faire une visite dans les mois passés. Waw, quel contraste ! Nous essayons de les imaginer à Tokyo, sortis de la simplicité de leur campagne du bout du monde (où, pour vous faire une idée, ils bénéficient à peine de 2 heures d’électricité par jour) pour être projetés dans un monde futuriste et tellement différent. D’ailleurs, le papa me fait remarquer à quel point la nourriture est bizarre et « peu goûtue » là-bas. Ben oui, après un quotidien de Dal Bhat et de thé au lait, il est clair que la gastronomie japonaise peut surprendre !



Une fois rentrés sur Pokhara, nous profitons de ses bons restos destinés à ravir les trekkeurs au retour d’un trek éreintant (ben oui, nous n’avons marché que 2 jours, et non pas 17, mais nous prenons un malin plaisir à faire comme si c’était le cas :-) Alex et moi décidons de sauter en parapente, une expérience que Phil a déjà tentée il y a 4 ans. Une fois bien harnachées à notre moniteur (le saut se fait bien sûr en tandem avec un mono), on attend que le vent prenne la bonne direction, puis on s’élance dans le vide et le vent nous soulève dans les airs, telles des oiseaux… waw, merveilleuse sensation que celle de s’envoler. Mais il faut admettre qu’au bout d’un moment, à force de tourner dans les courants ascendants en suivant les principes de notre professeur M. l’aigle, et à force d’admirer le panorama à gauche et à droite, ca soulève aussi un peu l’estomac ! Juste le temps de se le remettre en place par un bon repas, de repasser à la guesthouse prendre les sacs pour sauter dans le bus en direction de notre prochaine destination : Bandipur, un joli petit village traditionnel situé dans les collines, qu’on gravit en jeep commune depuis la route principale. Magnifique petit village pavé, à l’architecture newar, extrêmement bien préservé et piétonnier. Les maisons de vieilles briques sont ornées de fenêtres et de portes en bois finement travaillé, tout comme les poutres apparentes soutenant les toits. Phil était déjà passé par ici il y a 4 ans, et y avait fait pas mal de rencontres et de photos. Nous rencontrons donc certains portraits de son exposition, en personne et avec 4 ans de plus. Cela ne se marque pas trop pour la petite vieille qui égrainait le riz (une des photos de son expo, si vous vous en souvenez), qui n’a pas vraiment changé, si ce n’est un peu d’arthrose en plus. Madame est toujours aussi souriante et espiègle, et nous accueille en nous écrasant un gros pâté de tilak rouge sur le front et des fleurs dans les cheveux. Retrouvailles touchantes aussi entre Phil et Lila, 12 ans aujourd’hui. Phil avait rencontré Lila, 8 ans à l’époque, et comme le font en général les enfants ici, elle l’avait fièrement invité à prendre le thé dans sa maison familiale, où il avait pu rencontrer le reste de sa famille. Depuis lors, ils ont rénové une maison plus grande, où ils ont emménagé et dont ils occupent un étage. La maman nous montre fièrement le petit album photo rempli de portraits de famille que Phil leur avait envoyé depuis l’Europe à l’époque, et qu’elle conserve précieusement. Phil le complète par de nouveaux portraits de famille, avec Babou, le dernier né, un adorable petit bambin dont Lila prend déjà soin d’une main experte. Pas rose tous les jours leur vie dans ce petit village reculé : le papa a la main amputée suite à un accident de bus et développe une sorte de maladie cutanée généralisée suite à l’infection qui a suivi son amputation ; la maman, qui n’est pas non plus en très bonne santé, nous confie que Babou est son cinquième bambin et qu’elle a très peur de le perdre comme les autres ; Lila travaille chaque jour après l’école, vendant des biscuits et de la soupe sur la place publique…



En cette période de début de mousson, nous nous faisons régulièrement surprendre par des pluies soudaines et torrentielles, mais nous trouvons toujours un endroit où nous abriter : que ce soit en trek dans les campagnes, lors duquel nous trouvons abri avec une dizaine d’enfants sous un toit de tôle, ou dans le bus public dans lequel nous venons de monter, dont les vitres sans joints laissent l’eau ruisseler et tremper les sièges, ou dans les magasins des rues de Pokhara ce qui nous donne un tout bon prétexte pour faire un peu de shopping…



Nous montons ensuite dans un bus, à destination d’un autre bus, puis d’encore un autre bus qui nous conduira au Parc national du Chitwan, une grande réserve naturelle où on peut encore trouver des rhinocéros sauvages. Alignés en file indienne derrière un guide, nous partons explorer le parc à pied, pendant une longue marche d’une journée commencée à l’aube. Les instructions de « sécurité » sont claires : silence, et, en cas de charge de rhinocéros, grimper dans un arbre ou à défaut, se cacher derrière un tronc large. A défaut d’arbre, courir en zigzag en balançant progressivement son équipement (ca a l’ait facile, et puis quoi quand on n’a plus de fringues ???). Oui, le rhinocéros a apparemment un sale caractère... mais aussi de très mauvais yeux, contrairement à son ouïe et à son odorat. De plus, se méfier des ours jongleurs qui ont tendance à s’attaquer au visage. Nous marchons au travers des forêts, des grandes plaines d’herbes hautes (quel bel endroit sans arbre pour tomber nez à nez avec un rhino !), longeant la rivière. Nous apercevons au travers des arbres toute une série de cervidés et une ribambelle de babouins, à quelques dizaines de mètres de nous. Puis, en longeant la rivière et en essayant de ne pas se faire avoir par les sangsues avides de sang frais, nous apercevons dans la rivière un premier rhinocéros, barbotant et broutant les herbes aquatiques. Dans un silence total, sans trop oser bouger, nous l’observons et admirons sa peau cuirassée et mouillée luisant au soleil. Nous aurons la chance d’en apercevoir 4 sur la journée… A un autre moment, nous tombons sur un ours en train de se nourrir. Il n’en faut ni une ni deux à Alex et moi, les grandes courageuses, pour nous retrouvées agrippées au dos de nos guides armés d’un bâton et susceptibles de nous protéger en cas d’attaque toutes griffes sorties. Mais le vent est contraire et l’animal ne nous sent pas, et continue à vaquer à ses occupations… ouf ! A force de se rapprocher pour mieux l’observer, il nous voit, chacun observe immobile la réaction de l’autre, et l’animal finit par nous tourner le dos et quitter les lieux… re-ouf !!!



Nous partons à vélo explorer les petits villages reculés et les campagnes alentours, où on applique encore les techniques agricoles traditionnelles… le vent lié à la vitesse nous fait un bien fou ; ici, dans la plaine du Terai, la température dépasse largement les 40°C, c’est une vraie fournaise ! A nouveau, c’est un véritable festival de couleurs, un ravissement pour les yeux, les femmes accordent une grande importance à leur habillement et assortissent toujours pantalon, tunique et châle, qu’elles portent vers l’avant, posée sur leurs épaules. Et à nouveau, les habitants nous réservent un accueil plus que souriant et les enfants pépient d’innombrables « Namasté » en nous voyant passer, et nous invitent chez eux au moindre arrêt.



Pendant que Phil repart à vélo distribuer les photos qu’il a imprimées une fois rentré à l’hôtel, Alex et moi partons explorer une dernière fois le parc à dos d’éléphant. Grâce à l’odeur du pachyderme qui masque les nôtres, les autres animaux ne fuient pas à notre approche, et nous pouvons approcher des familles de biches à peine à quelques mètres de distance.





Il est déjà temps pour Alex de penser à retourner vers la capitale pour prendre son vol de retour, ces jours auront filé à une vitesse folle L. Nous prenons un bus à l’aube à destination de Katmandou, en espérant y arriver en début d’après-midi… c’était sans compter sur une grève de villageois ayant décidé de bloquer la route pendant… plusieurs heures… Nous patientons assis sur le tarmac, à l’ombre d’un camion coloré, en discutant avec les camionneurs locaux… Une fois enfin arrivés, nous passons une fin d’après-midi relax à visiter un autre site bouddhiste majeur de Katmandou, le Swayambunath (ou Monkey temple), un stupa sacré situé sur le sommet d’une colline en plein cœur de la ville et qu’on atteint en gravissant un long escalier où les singes ont élu domicile entre les statues des Bouddhas.



Le lendemain, nous repartons sur Patan pour faire découvrir à Alex, dont c’est le dernier jour, son magnifique Durbar square, son marché coloré, son yogi de paille de 20 mètres de haut, toujours sur le char sur lequel il a été transporté à l’occasion du dernier festival bouddhiste et toujours l’objet de nombreuses offrandes sacrées, ses sadous colorés, et ses innombrables odeurs et couleurs. On croise une cérémonie colorée équivalente à un baptême et nous faisons embarquer par la traditionnelle (et incroyable) hospitalité népalaise pour manger un délicieux dal bat. Après une séance de shopping obligatoire à Thamel, il est temps de clôturer ce petit bout de route parcourue ensemble et laisser Alex s’envoler vers la France.



Nous voici de nouveau à deux, avec un mois et demi de voyage devant nous… Nous réglons les quelques formalités administratives abrutissantes pour obtenir notre visa indien, puis prenons la route vers la frontière de ce nouveau pays. Sans oublier de faire un dernier stop à Lumbini, le lieu de naissance de Bouddha, suite logique du pèlerinage bouddhiste entamé inconsciemment depuis plusieurs mois… serions-nous sur la voie de la sagesse ? :-)



Et voici la suite des photos :



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Nepal: decidement, non ce pays n'est pas laid!

Après avoir survolé la gigantissime chaîne des Himalaya, entraperçu par le hublot de l’avion une petite tête d’Everest dépasser des nuages, et fait une halte technique juste frustrante à Lhassa, nous atterrissons à Katmandou. Encore une fois, nous avons changé de planète par rapport aux avenues relativement propres et bien rangées de Chine. Le micro-taxi qui nous emmène de l’aéroport à notre hôtel slalome entre les voitures, les motos, les bus, les camions, les vélos, les vaches, les rickshaws, les chiens galeux, les gens, une main sur le volant et l’autre sur le klaxon. OK, ici, comme l’indique le « HORN PLEASE » peint sur l’arrière de chaque camion, la circulation est réglée au klaxon, en véritable cacophonie, et le plus grand a priorité sur le plus petit même si, théoriquement, la loi considère l’inverse. La circulation est tellement chaotique que, n’y ayant point prêté attention lors de notre arrivée depuis l’aéroport, nous mettrons ensuite pas moins de 4 jours pour déterminer avec une totale certitude que le sens de circulation se situe bien à gauche (pas évident dans les ruelles de Thamel). Les tas d’ordures s’accumulent sur le bord de la route, la rivière est une véritable poubelle, une odeur rance provenant des décharges flotte dans l’air avec la poussière. Mais les abords de route sont aussi un festival de couleurs, une foule dense de saris multicolores et pailletés, qui défile devant nos yeux éblouis.

Nous sommes chanceux : le jour de notre arrivée coïncide avec celui de l’anniversaire de la naissance de Siddartha Gautama, qui, VI siècles av JC renonça aux luxes de sa condition de prince et parti à la recherche de la fin de la souffrance humaine, et, trouvant le chemin de l’éveil dans la voie du milieu, atteignit l’illumination et devint Bouddha. De nombreuses célébrations bouddhistes sont au programme dans les différents sites sacrés de la ville. Nos sacs à dos à peine posés, nous voilà repartis vers le Bodnath, le fameux stupa bouddhiste dont les yeux mi-clos surveillent la ville. Ambiance magique et bain de foule : au son des clochettes, une masse dense de pèlerins se meut lentement autour du stupa, dans le sens horlogique, certains marmonnant des mantras et d’autres activant sur leur passage les rangées de rouleaux de prières. De fervents pratiquants prient dans une gymnastique endiablée, en s’agenouillant puis s’allongeant de tout leur long, face contre terre, sur des planches en bois, avant de revenir sur leur genoux et répétant infatigablement le mouvement. Des cortèges de moines en robe rouge se forment sur des chars, et, après un tour du stupa, partent dans la ville. De nombreux hindouistes sont présents, nous comprendrons vite qu’il existe au Népal un mélange étroit entre bouddhisme et hindouisme, lié aux origines de Bouddha (dont les parents étaient hindouistes). Au crépuscule, des guirlandes de loupiotes s’allument tout autour du stupa, de petits groupes se réunissent et entament des chants en allumant des bougies. Nous nous laissons envoûter par cette ambiance magique de ferveur religieuse intense puis partons découvrir la cuisine népalaise, et le dal bat (ou thali), cet assortiment de soupe de lentilles, de curry de légumes et de pickles servi avec une bonne ration de riz qui nous accompagnera tout le reste du mois, au grand désespoir des intestins de Phil… et de mon nez ;-).

Nous passons les jours suivants à flâner sur Durbar square et à nous perdre dans les rues de Katmandou, un véritable musée à ciel ouvert, avec de petits temples à chaque coin de rue, de grands bassins où la population vient puiser son eau, de vieilles maisons en briques d’architecture newar, ornée de fenêtres de bois finement travaillées, des poutres joliment sculptées soutenant les toits. En les explorant, nous découvrons au centre des maisons de petites cours intérieures ornées d’un temple. Nous tombons ainsi sur toute une série d’alcôves de pierre contenant des représentations de Shiva, Vishnu ou Ganesh peinturlurées de pigments rouges ou jaunes, ou sur des stupas blancs surmontés des yeux de Katmandou d’où rayonnent des guirlandes de drapeaux à prières flottant au vent. Et avant toute autre chose, nous faisons ici la rencontre avec le sourire des népalais, des gens adorables et particulièrement accueillants dont le très bon anglais facilite les échanges et leur est bien utile pour tenter leur chance d’arnaquer quelques touristes :-)…. Dans le chaos et la foule urbains, notre attention doit simultanément gérer l’admiration du paysage et des gens, le fait d’éviter les trous dans la route, les rickshaws, les voitures, et franchement, le soir, nous sommes complètement exténués pas Katmandou. C’est d’autant mieux car ici, resto et bars ferment avant 23h !

Nous partons ensuite découvrir Patan, une ville proche de la capitale qui possède son propre Durbar square et un tout aussi bel échantillon d’architecture newar que la capitale. Suite à un contact établi à Shangri-La, en Chine, nous y rencontrons Thomas, architecte viennois d’origine et qui consacre sa carrière à la restauration de sites du patrimoine népalais, comme les bâtiments du Durbar Square de Patan. Ces derniers avaient été complètement détruits lors d’un tremblement de terre en 1934 et reconstruits par de petits groupes d’habitants bénévoles, qui avaient parfois laissé leur fantaisie architecturale s’exprimer et avaient reconstruit les murs sur le modèle de la tour de pise. Thomas et son équipe d’ouvriers locaux redressent donc tout cela afin de préserver ce précieux patrimoine architectural. Nouveau shooting photo pour Phil en perspective. Et, comme les habitants dans les rues, les ouvriers de l’équipe se plient volontiers au jeu du photographe, qui est aux anges dans ce pays.

Après ces quelques jours passés dans la cacophonie et la foule, nous partons nous ressourcer dans les campagnes népalaises de la vallée de Katmandou, dans les environs de 2 petits villages newar, Panauti et Dhulikhel. Assis sur le toit du bus public, les campagnes défilent sous nos yeux. Une fois arrivés à destination, nous nous y retrouvons bloqués jusqu’à l’arrivée d’Alex par une succession de grèves qui paralysent le pays (on se croirait presque en France). Le gouvernement doit établir une constitution avant une date limite et n’y parvient pas (tiens, là, on se sent presqu’en Belgique), et les partis imposent des grèves aux commerces et aux transports, sous peine de représailles violentes.

Profitant du fait d’être bloqués ici, nous enchaînons les longues promenades à pied dans des campagnes et villages avoisinants, et traversons des paysages de collines aux flancs couverts de cultures en terrasses (pommes de terre, riz), escaladons des montagnes au sommet desquelles se dresse un monastère bouddhiste, croisons des porteurs au lourd panier chargé de fourrage écrasant leur front par une épaisse lanière. L’appareil photo de Phil ne sait plus où donner de l’objectif tant les scènes de vie rurale superbes sont omniprésentes et les gens plus que coopératifs et accueillants. En remerciement, il leur offre leur portrait imprimé grâce une mini-imprimante portable qu’il avait eu la grande idée d’acheter à Bangkok, ce qui laisse les villageois ravis.

A Dhulikel, nous logeons pendant près d’une semaine dans une guesthouse familiale située face à un paysage de montagnes himalayennes, qui ne sont malheureusement que rarement visibles en cette saison (en général tôt le matin). Elle est gérée par un grand-père népalais, que nous surnommons vite « Papa poule» parce qu’il nous couve comme des enfants, nous étouffant parfois de son excès de gentillesse et d’attention. A la fin de nos ballades, nous cherchons un moyen de rentrer au village où nous logeons et dont nous avons passé la journée à nous éloigner… pas toujours évident avec toutes ces grèves et l’absence de bus ! Mais nous pouvons toujours compter sur la gentillesse des népalais, qui nous prennent en stop avec le sourire… parfois confortablement installés sur la banquette arrière, parfois à l’arrière d’un camion, intercalés entre sa paroi et la citerne de lait qu’il transporte, parmi les mouches et dans l’odeur écœurante du lait rance.. burp, vive les tournants, allez, on se concentre, on respire par la bouche et ca va aller ;-)

Retrouvez notre sélection photos sur :

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et une magnifique série de portraits pris par Phil :

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Made in Tibet

Après une confortable nuit dans un bus couchette (dont nous devenons des adeptes, oui !), nous arrivons presque frais et dispos (mais surtout frigorifiés par un climat montagnard glacial) à Shangri-La, à l’extrême nord ouest de la province du Yunnan, aux portes du Tibet, si ce n’est au Tibet même. En effet, ici, même si administrativement on est toujours au Yunnan, culturellement, on est au Tibet, mais sans les restrictions culturelles gouvernementales extrêmes appliquées à la population et, par conséquent, aussi sans rencontrer tous les problèmes du touriste voulant découvrir le Tibet au Tibet (obtention d’un permis, voyage obligatoire en tour organisé ou avec un guide, …).



Shangri-la est une ville perchée à 3200 mètres d’altitude peuplée à plus de 80% de Tibétains. On aperçoit les montagnes et les pics enneigés au-delà des limites de la « nouvelle » ville, qui s’est étendue tentaculairement autour de la vieille ville historique lors de l’impressionnante croissance chinoise de ces 3 dernières décennies. La nouvelle ville ressemble à toutes ces autres villes chinoises classiques. La vieille ville par contre, donne tout son caractère à Shangri-La : elle est parcourue de petites ruelles pavées, bordées de maisons traditionnelles en bois et au toit d’ardoises. D’innombrables drapeaux de prières aux couleurs des 5 grands éléments (l’eau, l’air, la terre, le bois et le feu) flottent au vent, lequel emporte les mantras imprimés et les transmet aux dieux. Sur leur passage, les habitants font rouler de leur main droite des moulins à prières alignés, disséminés dans la ville, la tête dans leurs prières. Une colline surmontée d’un temple avec un rouleau de prière doré géant surplombe la ville. Le matin, les pèlerins s’y rendent et, alignés les uns derrière les autres, le font tourner, en murmurant des incantations et en faisant glisser une à une entre leurs doigts les perles d’un mala de prières (un collier de perles en bois). Des grands-mères enseignent ces pratiques bouddhistes à de jeunes enfants aux joues rouge vif. Chaque soir, sur la grande place centrale, les habitants de la ville alignés en rond viennent danser sur des musiques traditionnelles, effectuant une chorégraphie connue sur le bout des doigts. A la limite de la ville, un monastère de plus de 300 ans abrite plus de 600 moines : c’est un peu le Potala du sud ouest de la Chine, et sa quiétude n’est perturbée que par la masse de touristes chinois d’origine Han qui viennent l’assiéger, le plus souvent totalement ignorants de ce que Pékin a fait et fait toujours subir au peuple tibétain colonisé dans le sang. Une ignorance liée à la censure de la presse, totalement contrôlée par Pékin, de même que l’information circulant sur internet (plus de 30.000 « cyberpoliciers » travaillent chaque jour à la censure du net, interdisant l’accès aux sites comportant des mots « interdits » ou aux sites d’échanges d’idées… pas étonnant donc que l’accès à des sites tels que Youtube, Wikipedia et Facebook soit banni). L’idée transmise dans les médias est que Pékin tente de sortir le peuple tibétain de son extrême pauvreté, en lui versant de nombreux subsides (qui existent peut-être mais qui finissent dans la poche de fonctionnaires corrompus et n’arrivent jamais au Tibet) et que les Tibétains, contre toute gratitude, se révoltent, tuant de nombreux soldats Han (il n’est jamais mentionné que de nombreux Tibétains ont perdu la vie ou « mystérieusement disparu » suite aux révoltes de 2008 à Lhassa, juste que de courageux militaires Han y ont été sauvagement assassinés).



Ces dernières années, Shangri-La est devenue très populaire auprès des touristes, particulièrement chinois. On y trouve donc une multitude d’hôtels, boutiques et petits bars et restaurants où aller se réchauffer près du feu en dégustant un bol de thé au beurre de yak (qui en fait est beaucoup moins mauvais que ce que ne laisse imaginer son nom, mais tout aussi calorique :-). Sur la place centrale, des femmes, avec leur coiffe traditionnelle et leur gros panier sur le dos, viennent installer leurs petites échoppes où elles vendent des bijoux et de petites brochettes de viandes et de légumes pour une bouchée de pain (la roulade de gras est aussi au menu). On peut même y louer des tenues traditionnelles tibétaines, robes à fourrures, et poser pour la photo sur un yak … comme vous pouvez l’imaginez, les touristes chinois adorent le concept (moi j’en ai un peu les dents qui grincent).



Nous partons pour un trek de 2 jours à la découverte de la culture tibétaine, avec Tenzin, notre guide originaire de Lhassa, et Yuangya, une étudiante chinoise de 22 ans d’origine Han. Nous traversons de grands plateaux d’herbes rases sous un ciel d’un bleu presqu’aveuglant, ne croisant que des troupeaux de yaks. Les villageois sont aux champs, et les villages très épars dans ces espaces immenses. Nous escaladons des montagnes, encore plus rapidement essoufflés qu’à notre habitude, probablement suite à l’altitude (les excuses sont faites pour s’en servir, non ? :-)). A nouveau, la surexploitation et l’érosion du sol font peur à voir, surtout ici où, d’origine, l’homme vivait en harmonie avec la nature. Le soir, nous arrivons dans le village où nous passerons la nuit. Le soleil se couche relativement tard ici, nous profitons du début de soirée pour suivre les activités de notre hôte et comprendre la structure familiale locale. Les femmes enfantant généralement très jeunes, un minimum de 4 générations se côtoient dans chacune des maisons (vous imaginer devenir grands-parents à 35 ans - ici c’est courant). Pendant la journée, les parents bossent, le plus souvent dans la ville la plus proche, assurant un revenu financier à la maisonnée. Les grands parents gardent les jeunes enfants (souvent au nombre d’un seul, même si les minorités ethniques sont normalement exemptes de la politique de l’enfant unique de Pékin, elles ne sont pas non plus aidées pour supporter les coûts de l’enseignement de plus d’un enfant et s’y limitent souvent). Les grands parents s’occupent aussi du bétail et des tâches ménagères, et préparent du fromage de yak et du pain.


Malgré la barrière du langage, nous passons tous ensemble une agréable soirée autour du feu, partageant un repas « à la chinoise » (c’est-à-dire composé d’au moins 6 plats différents pour accompagner le riz) autour du feu, et finissons la soirée en buvant un thé. La grand-mère se renseigne sur la situation matrimoniale de Yuangya, et apprenant qu’elle est toujours célibataire, par delà les tensions entre Tibétains et Chinois, essaie de la convaincre de rencontrer son fils du même âge. La demoiselle s’en sort en ignorant timidement les tentatives de la vieille tibétaine. Nous passons la nuit écrasés sous un empilement de couvertures au moins aussi lourd que nous, mais bien au chaud malgré les températures négatives régnant dehors! Le lendemain matin, la mamy insiste pour que les filles essayent les tenues traditionnelles locales, et comme la dernière fois, ca ne va qu’à elle :-). Après un délicieux et énergétique petit déjeuner local composé de pain, de fromage de yak saupoudré de sucre, et d’un bol d’orge humidifié dans du thé au beurre de yak, nous reprenons notre route au travers de paysages déserts, découvrant des chortens (la forme tibétaine du stupa) ornés de drapeaux de prières multicolores au sommet des montagnes. Nous finissons le trek par une petite balnéo locale, en allant détendre nos muscles dans une piscine collectant l’eau des sources chaudes voisines…



Le jour de notre arrivée à Shangri-La, nous avions rencontré Suzie, une australienne travaillant dans une petite association de promotion de l’artisanat tibétain. Phil lui avait promis un reportage photo qui occupera les quelques jours qui suivent. Les artisanes travaillant dans l’association sont ravies et décident de porter leurs plus beaux habits traditionnels pour le jour du shooting. Ces femmes sont originaires de villages reculés et extrêmement pauvres de la région. Elles apprennent ici les techniques et sont payées au prorata de leur production. Les produits sont vendus aux touristes, ce qui donne à l’association sa vitrine commerciale officielle car les ONG officielles ne sont pas autorisées en Chine (vu qu’elles sont subsidiées par des fonds extérieurs, elles pourraient être influencées par des idéologies extérieures, que Pékin prend pour une menace). Nous rencontrons les autres membres de l’association, dont Tachi, un jeune tibétain originaire de Lhassa. Il nous fait découvrir les coins sympas de la ville, les monastères la surplombant avec des vues magnifiques au coucher du soleil, les bons restos typiques tibétains servant des plats permettant de résister aux hivers glacials de la région (avec, entre autres, une délicieuse viande de chèvre dégoulinante de beurre de yak qu’il nous faudra 3 jours pour digérer). Nous passons une soirée dans une boîte locale, assis autour du poêle avec d’autres clients à siroter un alcool de riz en regardant les danseurs effectuer à la lettre leur chorégraphie sur des musiques tibétaines… et oui, ici sortir en boîte, c’est du sérieux !



Le lendemain, nous prenons la route pour Lijiäng. Notre bus traverse les Tiger Leaping Gorges, des gorges magnifiques, particulièrement escarpées, qui seront bientôt inondées en vue de la création d’un nouvel immense barrage hydro-électrique, pour pourvoir aux besoins en énergie sans cesse croissants du pays (c’est le même genre de super projet à faire dresser les cheveux des environnementalistes que le barrage des 3 gorges). Nous profitons donc au maximum de ces paysages que nous ne reverrons probablement jamais. Nous arrivons ensuite à Lijiäng, dont la vieille ville est bâtie de maisons grises aux toits d’ardoises, recourbés à leur extrémité, construites entre les petits canaux parcourant la ville. C’est en quelque sorte la « Bruges de Chine », un dédale de ruelles, de canaux et de petits ponts les surplombant…. Un charme fou, mais il y a un mais : cette ville est extrêmement populaire auprès des touristes chinois, dont la masse mouvante et bruyante lui enlèvent une grande partie de son charme et lui donnent parfois un air de Disneyland. Manque de bol, en descendant un des nombreux escaliers de la ville, je ne remarque pas le trou dans le sol succédant à la dernière marche et me foule la cheville… grande idée avant d’arriver au Népal, notre prochaine destination et aussi le pays des treks ! Bon, suite à ce mauvais pas, je ne verrai de Chengdu que son hôpital mais aurait profité de l’occasion pour découvrir de la Chine un autre de ses aspects : sa médecine traditionnelle et cette drôle de pâte noire épaisse et un peu puante, qu’on applique directement sur l’endroit blessé… Résultat : ca chauffe longtemps après application et, après 3 jours d’immobilisation et d’application, ma cheville semble aller mieux… à nous les hauts sommets enneigés de l’Himalaya que nous apercevons depuis le hublot de l’avion qui nous emmène à Katmandu ?



Faites un tour dans notre sélection de photos sur https://www.facebook.com/media/set/?set=a.10150176315507224.288064.591557223&l=83120a06dc


Chinoiseries

Après 2 mois entiers passés au Laos, il est temps de poursuivre notre route vers notre prochaine destination : le Yunnan, province située au sud ouest de la Chine, un pays dont on nous a dépeint des habitants au caractère peu accueillant et rude, et que nous appréhendons un peu après la douceur et l’accueil laotiens. Nous quittons donc le Laos en bus, sur des routes de montagnes défoncées aux innombrables virages qui nous emmènent, au travers des villages ruraux de maisons de bois sur pilotis et aux toits de paille, jusqu’à la frontière chinoise, une impressionnante arche de fer dont la modernité contraste avec la simplicité des villages que nous laissons derrière nous… et le contraste ne s’arrête pas là : une fois passés la frontière, nous entrons dans un autre monde : des autoroutes à doubles bandes, rectilignes, au bitume parfaitement lisse, franchissant ravins et montagnes par d’innombrables ponts et tunnels, traversant des villes semblables à des décors de cinéma, semblant avoir été construites hier et grouillant de monde, des campagnes cultivées jusqu’au moindre centimètre carré, plus un seul arbre de forêt primaire à l’horizon… une croissance économique visible, récente et hyper rapide, qui fait presque peur !



Après changement de bus, nous atteignons Jinghong, anciennement une petite ville, dont la population et la superficie ont triplé en 5 ans. Oui, c’est sûr, nous avons changé de monde, entourés de buildings, de magasins de GSM par centaines, de lumières clignotant dans tous les sens, d’une circulation dense mais étonnamment silencieuse (ici, la plupart des mobylettes sont électriques - après avoir manqué de me faire écraser 3 fois, j’ai appris à regarder avant de traverser au lieu de me fier à mes oreilles !!!). Ici, pas une âme parlant anglais pour me renseigner sur la destinée de parking qu’a connu la guesthouse indiquée dans mon guide de voyage. Même le phrasebook ne nous sert pas à parler avec les gens, car, en chinois, chaque lettre peut être prononcée dans 4 tons différents, ce qui donne tout un autre sens au mot proféré, et apparemment, ni Phil ni moi ne maîtrisons cette fameuse prononciation. Bref, nous communiquons soit en faisant lire la traduction en écritures chinoises dans notre phrasebook, soit par mimes, dans des situations qui s’avèrent souvent vraiment drôles. Et, contrairement à nos aprioris négatifs, les habitants se révèlent être accueillants et disposés à nous aider. Et un apriori de plus qui sera tombé au cours de ce voyage, on ne les compte plus au final !



Jinghong, malgré son côté ville chinoise en carton pâte qui a grandit trop vite, a aussi un côté bien sympa : ses grandes artères surplombées de drapeaux de couleurs sont bordées de palmiers qui lui donnent un petit air de côte d’azur, et elle est aérée de parcs où les locaux viennent se prélasser et jouer avec leur enfant pendant l’après-midi, ou répéter les danses locales au crépuscule.



Nous partons 2 jours en trek, à la découverte de cette région de collines verdoyantes qu’est le Xishuangbanna avec notre guide Mr Rush (qui, je le confirme, porte bien son nom). Nous traversons les villages, et observons, un peu horrifiés, des cultures à perte de vue… ici, la nature est plus que surexploitée, chaque centimètre de forêt a été coupé durant les 10 dernières années, à une vitesse effrayante, pour être remplacée par des cultures de bananes transgéniques, de caoutchouc, de maïs, de soja, des cultures qui, selon les habitants, sont truffées d’insecticides et dopées aux fertilisants. Les flancs des collines sont toujours occupés par des plantations de thé, la culture traditionnellement exploitée dans cette région et qui produit un des thés les plus réputés du monde.


Nous rencontrons plusieurs villageois, communiquant par l’intermédiaire de Mr Rush, et à nouveau, ils nous accueillent de manière particulièrement chaleureuse, balayant tous nos aprioris sur le légendaire mauvais caractère chinois. Nous passons la nuit dans la maison de la famille du chef du village, qui appartient à l’ethnie des Hanis et vit avec sa femme, son fils et la femme de celui-ci. Cette dernière nous prépare un festin que nous dégustons tous ensemble autour du feu. Pour l’occasion, Phil et moi allons chercher une caisse de bières pour accompagner le repas, mais on se rend vite compte que nous ne sommes plus au Laos au rythme modéré où ces gens boivent leur verre (enfin un break !). La grand-mère ne cesse de nous parler dans sa langue incompréhensible, me pressant gentiment l’épaule ou le bras avec de petits sourires adorables. Mr Rush me traduit entre autres qu’elle nous invite à revenir lors de notre prochain passage dans la région, et qu’elle voudrait me faire essayer les tenues traditionnelles le lendemain matin... Si ca peut lui faire plaisir, et je connais un photographe que cela va ravir ;-) Après une nuit relativement courte (ben oui, l’activité ici recommence vers 4 heures !) et un petit déjeuner de riz accompagné des restes de la veille, j’essaie avec elle ses costumes colorés et parures de bijoux ornées de plumes et d’anciennes pièces de monnaie, parures qu’elle conserve précieusement emballées dans un tissu dans son armoire. La façon dont elle les déballe pour me les dévoiler, tels des trésors, les yeux brillants de fierté est particulièrement touchante. Et ils lui vont à ravir ses pompons, contrairement à moi, mais bon, elle est tellement contente que ca fait vraiment plaisir de jouer le jeu. Phil prend toute une série de photos de la famille que nous faisons imprimer une fois de retour à Jinghong, leur faisant parvenir par l’intermédiaire de Mr Rush. Nous quittons ensuite cette petite famille attachante, reprenant notre route au travers des campagnes.



19 heures de bus plus tard, dont 12 passées confortablement couchés dans un sleeping bus, nous atteignons notre destination suivante, Yuang Yang, une petite ville perchée aux milieu des montagnes dont les flancs sont recouverts de rizières en terrasses qui comptent parmi les plus belles du monde… et effectivement, ces paysages sont à couper le souffle, même s’il n’était pas réellement nécessaire de se lever à l’aurore pour les admirer, vu qu’elles nous apparaissent plus belles sous le soleil de midi qu’à l’aube ! Dans cette contrée montagneuse, les villageoises de tout âge portent encore les vêtements traditionnels de leur ethnie, transformant le petit marché du village voisin en véritable festival de couleurs. C’est une tradition qui a tendance à se perdre un peu partout et que nous avons la chance de pouvoir encore observer ici, et qu’on vous invite à partager en photos : https://www.facebook.com/media/set/?set=a.10150176290022224.288058.591557223&l=dbe2755c39



Festivités laotiennes

Nos visas laotiens, d’une durée d’un mois, arrivent bientôt à expiration. C’est un excellent prétexte pour aller passer quelques jours dans notre capitale asiatique favorite, Bangkok, qui est à peine à une nuit de train de Vientiane. Nous voilà partis en train couchette, un moyen bien confortable de voyager, bercés par le balancement du train, chacun dans sa couchette, dans l’intimité de ses rideaux et le calme de la nuit, seulement percé par les bruits ragoutants de raclement de gorge, crachats ou autres reniflements sonores, tellement typiques chez les asiatiques (mmmmh merciii :-)). Nous profitons du choix alimentaire bangkokien, tellement varié après de longues semaines de riz à toutes les sauces, et nous faisons du lèche vitrines à tire larigot… ca fait du bien une fois l’an pour l’accro du shopping que j’étais, non, décidemment, que je suis !!! :-) Résultat ; une caisse de 8 kg (aïe) qui revient par bateau vers la Belgique… On découvre un peu mieux le quartier de Thong Lo où nous logeons à chacune de nos venues dans la capitale thaïe, et découvrons un petit marché de nuit où manger un délicieux phad thai à toute heure de la nuit (je connais un groupe de personnes à qui cela va faire plaisir tiens ;-) Un tremblement de terre a lieu en Birmanie, il est ressenti jusqu’au Laos et même au niveau des plus hauts immeubles de Bangkok, nous, nous ne sommes même pas au courant, nous avons du croire que c’était le skytrain qui passait :-) !




https://www.facebook.com/media/set/?set=a.10150148201027224.280008.591557223&l=e10a4fb95a




Phil repart au Laos de son côté pour un reportage avec l’ONU dans le sud du pays, et moi je profite encore un peu des belles boutiques et des petites soupes de rue, et je me perds dans Bangkok… Je rejoins Vientiane et m’y ballade paresseusement, traînant sur les berges du Mékong et dans les temples, ou assise sur une balançoire au parc, observant les locaux venant s’entraîner sur les machines de musculation mises à la disposition du public. Phil rentre de Paksé, son disque dur rempli de photos à retravailler, et un nouveau rendez-vous fixé avec l’ONU 5 jours plus tard. 5 jours, c’est largement suffisant pour bouger un peu… Sur les conseils de Vincent, le sympathique patron du bar à bières belges de Vientiane, nous décidons d’aller les passer à Vang Vieng, et ce malgré nos aprioris sur cette ville.


Grand bien nous a pris, nous dégotons une petite guesthouse à bungalows de l’autre côté de la rivière. Nous y passons les jours suivants à bosser dans des hamacs dans le jardin, Phil retravaillant ses photos pour l’ONU et moi postulant pour une offre d’emploi intéressante au WWF et vous rédigeant aussi mon précédent post. Paysages à couper le souffle, avec des montagnes karstiques escarpées en fond de décor, et ambiance familiale chez Noé, Mango et leurs 2 enfants, Ki et Ke. Nous sommes les seuls hôtes avec Sophie et Benoit, un couple d’Alsaciens avec lesquels le courant passe immédiatement. Nous profitons des pauses de Phil pour jouer une petite partie de pétanque ou de badminton, ou pour prendre l’apéro… bref, pas trop dure la vie dans notre nouveau petit havre de verdure ! Nous laissons donc de l’autre côté de la rivière les vieux ados ivres sortant des bars, ou à moitié nus en train d’acheter une crêpe à une vendeuse de rue ou encore abrutis devant un épisode de Friends en dégustant une happy pizza (depuis 5 ans que ca tourne, ils ne se sont même pas mis à la page avec How I met your mother !). Vang Vieng n’a décidemment pas changé. Rien à faire, ce n’est pas notre conception du voyage, ni du respect d’une autre culture.


Forcés et contraints, nous repartons pour Vientiane pour un shooting avec l’UNODC (United Nations Office against Drugs and Crime), le bureau de l’ONU qui lutte contre la drogue : pour cette campagne, diverses stars du Laos, chanteurs, DJ, sportifs, miss Laos 2010, sont réunies pour dire NON à ce fléau. Une fois le shooting terminé, nous reprenons immédiatement la route aux innombrables virages, vers notre petit bungalow. Au programme : une partie de pêche avec Sophie, Benoit et les enfants qui trépignent déjà d’impatience, et un baci, une espèce de grande fête de village où, après une petite cérémonie dédiée aux esprits, on mange, on boit et on danse, et qui a lieu pour n’importe quel prétexte (naissance, mariage, rétablissement, et, dans le cas qui nous occupe, l’imminence du nouvel an bouddhiste, appelé Pi Mai, qui sera fêté dans 5 jours… c’est donc un échauffement !). Encore une occasion pour nous de découvrir l’esprit festif et généreux du peuple lao. Festif sauf quand il s’agit de danser… la danse traditionnelle se fait avec les mains, qui miment le lotus en train de s’ouvrir et se refermer, mais vu l’expression des danseurs, on se croirait plus à un enterrement… quelques bières sont nécessaires pour dérider les visages. Mango est, come toute laotienne qui se respecte, une véritable experte des plantes… au bord de la rivière, elle nous dégotte toute une série de plantes qui lui serviront à nous concocter un délicieux laap le soir même (une espèce de salade avec de la viande et des herbes, aromatisée au piment et à la citronnelle).


Après ces bons moments passés ensemble, il est temps pour nous de continuer notre route vers Luang Prabang, où nous avons prévu de passer le nouvel an, avec Sophie et Benoit. En effet, au mois d’avril, le peuple lao célèbre le nouvel an bouddhiste, Pi Mai, pendant 3 jours. Ce festival, particulièrement impressionnant à Luang Prabang, célèbre l’imminence de la saison des pluies. Au cours de cette grande fête ont lieu de nombreuses cérémonies, des processions, des réunions de famille avec grands repas, mais surtout la plus grande bataille d’eau du monde ! A cette occasion, tout doit être purifié par l’eau : les maisons, les rues, les gens, les statues de bouddhas, les véhicules qui passent, tuk-tuk, voiture ou mobylette. Dans les rues, les gens s’aspergent mutuellement, avec de petits récipients ou carrément à coup de seau ou de fusils à eau… Les familles laotiennes se rendent au temple ou sur la plage d’une petite île voisine de Luang Prabang et, en respect avec la tradition, construisent des stupas de sables, qu’elles décorent avec des bâtons d’encens, des bougies, des fleurs, des banderoles et saupoudrent le tout de talc, dont le reste du paquet est déversé sur les passants (nous laissant plus blancs que des fallangs :-)… Nous profitons des festivités, nous prêtant au jeu…. Pas désagréable toute cette eau en cette période de l’année théoriquement la plus chaude et où la température dépasse largement les 40°C…. Je trouve directement cela moins drôle quand l’eau est tentée de rouge et que mes cheveux commencent à prendre une teinte rose… mais ouf, contrairement au bleu de méthylène, ca part au lavage :-). A côté de ces festivités, nous profitons de la ville magnifique qu’est Luang Prabang, qui regorge de temples anciens et de petits marchés, et des cascades toutes proches de la ville, où s’en vont piqueniquer les familles pour se remettre de Pi Mai dans un cadre de verdure.



https://www.facebook.com/media/set/?set=a.10150148212577224.280015.591557223&l=aa8719e491



Nous partons ensuite en reportage photo pour couvrir les activités de l’UNODC, le bureau des nations unies luttant contre la drogue, et donc contre la culture du pavot dans ces régions du triangle d’or. Le Laos est en effet le troisième producteur mondial d’opium, derrière l’Afghanistan et la Birmanie. Leur méthode de lutte passe par l’amélioration des conditions de vie dans les villages les plus défavorisés, notamment dans les provinces de Rwa Pan (à la frontière du Vietnam), et d’Udumxai (près de la frontière chinoise). Pour atteindre ces villages, nous accumulons les heures de voyage sur routes de montagnes défoncées, d’abord en bus local, hurlant du hard rock laotien (sisi ca existe !) à 3 heures du mat pour tenir le chauffeur (ainsi que le reste du bus) éveillé, puis en 4X4 de l’ONU, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de route mais une piste, puis au-delà de la piste sur un chemin à buffles, au travers de la jungle épaisse et des rivières. Nous atteignons alors des villages plus que reculés, que même l’électricité n’a parfois pas encore atteint. Et peu d’européens au vu des yeux qui s’arrondissent sur notre passage (l’équipe de l’UNODC est exclusivement asiatique) et des enfants qui s’enfuient à notre approche. Et là, à nouveau, l’accueil des laotiens dépasse sa réputation légendaire : ces villageois, malgré leur pauvreté, mettent un point d’honneur à faire le meilleur accueil du monde à l’équipe de l’UNODC dont nous faisons temporairement partie… ils nous préparent des repas de rois, étalant des plats variés sur des tables basses autour desquelles nous prenons place (échangeant même les assiettes de chien contre du poulet pour la table autour de laquelle sont assis les européens ;-), et insistant pour partager un petit verre de laolao à la fin du repas (très bien, ca tue les bactéries en ces lieux où l’hygiène n’est pas des meilleures). Malgré la barrière de la langue (ici, nous ne pouvons même pas utiliser les rudiments de laotien que nous avons appris ces dernières semaines, les villageois y parlent encore un autre dialecte!), les accolades et les sourires bienveillants ne mentent pas sur la gentillesse et la bienveillance de ces gens. Il faut dire que l’UNODC a fait ici de l’excellent travail, fournissant aux habitants les structures et outils nécessaires à diverses activités génératrices de revenus alternatives à la culture du pavot, généralement dans les domaines de la culture et de l’élevage, et améliorant les conditions de vie dans les villages (accès à l’eau potable, construction de dispensaires et écoles, mise en place d’un système d’épargne et de microcrédit, et d’une banque de riz pour les périodes de pénurie). Les villageois montrent une motivation démesurée et s’investissent à fond dans les projets. C’est probablement ce qui fait que les projets fonctionnent et perdurent pour une grande majorité après le départ de l’équipe chargée du projet. Quel contraste avec ce que nous avons pu voir en Afrique, où les habitants regardaient souvent les projets avec distance et où l’autonomie future des projets finalisés était souvent sujette à de gros doutes pour l’équipe qui le laissait entre les mains des locaux. On ressent ici, au travers de leur énergie au travail, l’investissement de tous à construire, entretenir, cultiver, innover, la grande motivation des habitants à développer le village, et on se dit que, même si il en est encore très loin, le Laos ne tardera pas à suivre la Thaïlande dans son chemin vers un meilleur développement. En espérant qu’il conservera son âme, sa simplicité, sa curiosité et son humanité sans sombrer dans le désir de posséder toujours plus, un fléau qui a entre autre pour conséquence de transformer le touriste étranger en un simple portefeuille, comme dans tant d’autres endroits du monde qui ont perdu cet esprit d’accueil. D’une façon peut être un peu naïve, et que seuls peuvent comprendre ceux qui y ont visité ce pays, je fais toute confiance au Laos et à ses habitants sur ce point….


Pas de photos sur ce coup-ci, car elles sont soumises au copyright du contrat que Phil a signé avec l'ONU....